Lorsque j’étais adolescente, dans les moments difficiles (mon père avait une dépendance à l’alcool), elle s’en remettait à la spiritualité du mouvement Al-Anon, spiritualité à laquelle elle m’avait initiée. À l’âge de 50 ans, elle a suivi plusieurs cours, donnait des ateliers, écrivait des monologues et faisait des one woman show dans les centre communautaires, etc. C’était un autodidacte et tout ce qu’elle faisait lui permettait de s’épanouir et lui servait de thérapie. Elle a été consciente plus tard qu’écrire lui a permis de guérir. Elle était bénévole dans plusieurs mouvements et comités. Elle lisait beaucoup. Elle partageait avec moi ses découvertes que ce soit au niveau de la foi, de la spiritualité, des relations humaines, de la relaxation, de l’alimentation, du théâtre, des chansons, etc. Elle s’est mise au monde par elle-même (et j’en ai beaucoup bénéficié, je crois), malgré une enfance difficile. Elle est née en 1927, 16e d’une famille de 16 enfants et sa maman est morte, deux ans plus tard, en donnant naissance au 17e enfant mort lui aussi. Elle n’a pas eu de mère et aucune de ses sœurs ne l’ont vraiment adoptée.
Par contre, ma mère était une personne vive, qui parlait beaucoup. Elle disait tout ce qu’elle pensait, ce qui n’était pas toujours heureux. Elle était probablement bipolaire. Cela a développé chez moi une grande écoute des autres, mais aussi le besoin de rechercher et d’aimer le silence et la paix.
Ma mère a semé beaucoup en moi, par sa façon d’être, par sa foi et par notre relation. J’ai reçu beaucoup d’elle. Elle a été la première à préparer le terrain. Je lui en suis très reconnaissante. De tout ce que j’ai appris d’elle, je me souviens de trois textes, comme des cadeaux reçus qui m’ont servie beaucoup et que j’ai pu approfondir dans ma vie : le slogan Al-Alnon et AA : « Lâcher-prise et s’en remettre à Dieu »; la Prière de la Sérénité : « Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer; le courage de changer les choses que je peux; et la sagesse d’en connaitre la différence »; et une phrase qu’elle avait lue quelque part, phrase qui changea mon regard sur les autres et qui a été déterminante dans ma vie : « aimer quelqu’un pour ce qu’il est et surtout, pour ce qu’il est appelé à devenir ».
J’ai eu tellement d’autres rencontres signifiantes dans ma vie…
Je me souviens d’un animateur de pastorale à l’école secondaire qui nous initiait à la lecture, à la compréhension et à l’interprétation du Nouveau Testament, avec qui on organisait des Céder où nous dansions des danses juives. Je me souviens aussi des animateurs du mouvement La Clé avec qui nous faisions des weekends de ressourcement pour les adolescents. Ce qui me frappait chez tous ces animateurs, c’était leur attitude cool, de laquelle se dégageait une paix, une joie et un amour pour Dieu et du prochain. Pour moi, c’était très nourrissant, car je n’avais pas de modèles masculins à la maison et ils rendaient accessible ce que je percevais inaccessible : Dieu.
La rencontre de mon conjoint Jean-Guy, chez qui j’ai perçu la présence d’une âme à découvrir et avec qui je vis l’amour conjugal depuis 30 ans. Cet amour est un terreau riche en expériences qui viennent approfondir ma foi de toutes sortes de façons. Mes enfants qui m’ont révélée à moi-même et que, dès leur naissance, j’ai bénis et offerts au Seigneur.
Plusieurs prêtres, religieux et religieuses ont marqué ma vie de foi : le père Georges Madore, Montfortain, par sa spontanéité, son authenticité et son attachement profond à Marie; le père Christian Beaulieu, par son charisme pour les jeunes, sa joie et sa profondeur avec lesquelles il célèbre une messe; le père Normand Denis, par sa façon directe de parler à ses paroissiens dans ses homélies; le père Robert Allard, par sa grande sensibilité et par sa générosité dans le partage de ses connaissances; le père Richard Guimond, par son amour de la messe; l’abbé Pierre Desroches, par l’amour de Jésus présent dans son prochain; l’abbé Frank Leo, par toute la noblesse et la pureté de Jésus qui se dégage de son être; André Milot qui m’a fait don de l’espérance lors de son ordination; le père Germain Grenon, m.s.a., par son souci de l’autre et par le partage de sa foi dans ses enseignements; le frère Serge Gauthier, s.c., par sa patience envers les jeunes; sœur Lise Richer, Fille de la Sagesse, par son dynamisme; Sœur Louise, r.m., par sa grande joie; Sœur Ginette, r.m., par sa pureté; Sœur Sylvie Gagné, p.s.a., par tout son être qui manifeste le Christ. Ces personnes, chacune à leur façon, ont été (ou sont encore) des témoins qui m’ont façonnée au fil des années et qui m’ont révélé Dieu de différentes façons. Je me sens en communion fraternelle avec toutes ces personnes, avec tous ces amoureux fous de Dieu, même si certaines ne font plus parties de ma vie présente.
J’avais placé dans cette liste, frère Gratien Dubois, m.s.a., pour son engagement et sa fidélité dans la prière. Il est décédé entre temps. En me rendant à ses funérailles, je chantais, dans mon auto : « C’est jour de fête, c’est jour de joie, alléluia! » à répétition. Cela ne m’a pas empêchée de verser quelques larmes pendant la cérémonie, mais je sais que Frère Gratien est dans la joie, car il m’en a fait don à son décès.
J’ai eu la chance de côtoyer, il y a quelques années, l’ancien ministre Claude Ryan à Radio Ville-Marie. Je me suis découvert une grande estime pour cet homme public qui avait été la risée de tous parce qu’il osait parler de sa foi dans un Québec moderne. Monsieur Ryan m’a fait un grand cadeau en me faisant goûter à la paix : lorsqu’il est mort en février 2004, j’ai été me recueillir devant sa dépouille et j’ai été imprégnée d’une paix indescriptible, bénéfique, joyeuse, remplie de lumière et d’amour. Ce fut insoutenable dans mon cœur et dans mon corps. J’ai été me réfugier plus loin dans la chapelle pour pleurer. Je pense que Dieu m’aime beaucoup pour m’avoir permis de vivre une telle expérience, une telle consolation. J’ai savouré Sa Paix, j’essaie de la retrouver en moi et je l’espère.
J’ai reçu différents cadeaux de personnes significatives décédées et c’est en perdant deux d’entre elles à trois semaines d’intervalle en 2009 (Frère Gratien et mon accompagnatrice spirituelle, Christiane Rochefort), que j’ai saisi l’importance des cadeaux personnels que nous laissent nos chers défunts. J’en ai dressé une liste que j’aime relire et méditer.
Mon Père, Roland : Sa générosité et son cœur à l’ouvrage. L’amour de la nature : son respect et son repos offert.
Patrice Fleury : l’humour et, en même temps, le sérieux de la vie, une saine alimentation.
Tante Thérèse : le dévouement aux autres et la patience.
Oncle Eugène : le rassembleur. S’amuser. L’esprit de famille.
Yvonne et Joseph (grands-parents paternels) : l’harmonie avec la nature, l’émerveillement, travaillants et habiles capables de tout faire et de tout réinventer (à l’avant-garde du recyclage).
Philippe : sa simplicité.
Pierrette : femme de revendications.
Claude Ryan : la paix divine, la communion.
Frère Gratien, m.s.a. : la joie divine et l’humilité.
Christiane Rochefort-Bourque : l’amour, source sans fin. La famille : la priorité. La chaleur humaine, le respect, le dévouement.
Robert Fradet : au service des petits.
Sœur Pauline Legendre (Sœur Paul-de-Tarse) r.m. : la prière source de guérison, de réconfort et de paix.
En 2007, j’ai rencontré une religieuse âgée de 102 ans qui allait bon train avec sa marchette et dont les yeux bleus pétillaient. Elle disait : « Dites à Jésus, plusieurs fois par jour, que vous l’aimez! » Une rencontre comme celle-là, ça ne s’oublie pas! Mon âme est restée vibrante pendant des jours et, poussée par l’Esprit, j’ai partagé l’expérience de cette rencontre avec plusieurs personnes.
Il y a aussi les Soeurs de Miséricorde et les membres de la Famille Internationale de Miséricorde, mes compagnes de travail, mes amis, les Associés aux Recluses Missionnaires et les Recluses Missionnaires, les familles que j’ai rencontré pendant plus de dix ans au camp familial chrétien, les gens côtoyés au Pèlerin : toutes ces personnes me révèlent les différents visages de Dieu. Avec elles, je vis un partage de notre foi et de notre amour de Jésus.